Robert Greene : un autre regard sur le développement personnel et professionnel – Les 48 lois du pouvoir
https://le-club-des-investisseurs.com/wp-content/uploads/2021/02/manipulation-4733725_1920-1024x683.jpg 1024 683 Le Club Des Investisseurs Le Club Des Investisseurs https://le-club-des-investisseurs.com/wp-content/uploads/2021/02/manipulation-4733725_1920-1024x683.jpgConsidéré par beaucoup comme un Machiavel moderne, Robert Greene, auteur américain analyste des notions de pouvoir, de séduction et de manipulation, centre ses réflexions sur l’adaptation des plus grandes leçons historiques à la vie quotidienne, du monde de l’entreprise à la gestion des relations personnelles et professionnelles.
Le troisième ouvrage auquel nous nous intéressons est en fait le premier dans sa bibliographie, et présente un condensé de sa vision et des stratégies qu’il détaillera plus avant dans ses traités suivants, qu’il s’agisse de l’art de la guerre ou de celui d’atteindre l’excellence, l’objectif commun à l’ensemble de ses ouvrages restant l’accomplissement d’une maîtrise parfaite de sa vie, de son environnement et de ses relations, afin d’y occuper toujours la position la plus avantageuse.
Lois 1 à 24
LOI 1 : NE SURPASSEZ JAMAIS LE MAÎTRE
Ceux qui sont au-dessus de vous doivent toujours se sentir largement supérieurs. Dans votre désir de leur plaire et de les impressionner, ne vous laissez pas entraîner à faire trop étalage de vos talents, ou vous pourriez obtenir l’effet inverse : les déstabiliser en leur faisant de l’ombre. Faites en sorte que vos maîtres apparaissent plus brillants qu’ils ne sont et vous atteindrez les sommets du pouvoir.
La mise en garde :
Inutile de craindre de vexer chaque personne que vous rencontrez : votre arrogance doit être sélective. Si votre supérieur est une étoile moribonde, il n’y a rien à craindre à lui faire de l’ombre. Jaugez sa force. S’il est faible, hâtez discrètement sa chute. Montrez-vous plus charmant, plus élégant, plus compétent que lui à des moments clefs. S’il est chancelant et prêt à tomber, laissez faire. Ne prenez pas le risque d’achever un supérieur affaibli – cela pourrait apparaître cruel ou malveillant. Attendez votre heure. Il est dans l’ordre des choses que son pouvoir s’amenuise et s’éteigne. Si vous jouez bien, vous lui survivrez et le surpasserez.
LOI 2 : NE VOUS FIEZ PAS À VOS AMIS, UTILISEZ VOS ENNEMIS
Gardez-vous de vos amis : beaucoup vous trahiront par envie. D’autres se montreront gâtés, tyranniques. Un ancien ennemi que vous engagez sera plus loyal qu’un ami parce qu’il devra faire ses preuves. En fait, vous avez plus à craindre de vos amis que de vos ennemis. Si vous n’avez pas d’ennemis, trouvez le moyen de vous en faire.
La mise en garde :
En général, mieux vaut ne pas mélanger travail et amitié, mais il arrive qu’un ami puisse vous être plus utile qu’un ennemi. Il existe certaines basses œuvres, dont, pour sauver les apparences, il est préférable que d’autres se chargent ; les amis font souvent cela au mieux. Si pour quelque raison vos projets achoppent, vous pouvez ainsi utiliser un ami comme bouc émissaire. Les souverains avaient souvent recours à ce subterfuge : ils laissaient leur favori porter la responsabilité d’une faute, car personne ne s’attendait à ce qu’ils sacrifient délibérément un ami. Bien sûr, une fois cette carte jouée, l’ami est perdu pour toujours.
LOI 3 : DISSIMULEZ VOS INTENTIONS
Maintenez votre entourage dans l’incertitude et le flou en ne révélant jamais le but qui se cache derrière vos actions. S’ils n’ont aucune idée de ce que vous prévoyez, ils ne pourront pas préparer de défense. Guidez-les assez loin dans une autre direction, enveloppez-les d’un écran de fumée et quand ils perceront à jour vos desseins, il sera trop tard.
La mise en garde :
Aucun écran de fumée, aucun leurre, aucune fausse sincérité ou autre procédé de diversion ne pourra cacher vos intentions si vous avez déjà une réputation établie de malhonnêteté. Si tout le monde sait que vous pratiquez la supercherie, en persistant à jouer les naïfs, vous courrez le risque d’apparaître comme le plus parfait hypocrite, ce qui va considérablement limiter votre marge de manœuvre. Alors il vaut mieux avouer, apparaître comme un honnête voyou, ou mieux, un voyou repentant. Non seulement vous serez admiré pour votre franchise, mais – ô miracle ! –, vous pourrez continuer vos agissements.
LOI 4 : DITES-EN TOUJOURS MOINS QUE NÉCESSAIRE
Plus vous vous laissez aller à parler, plus vous avez l’air banal et peu maître de vous-même. Même anodines, vos paroles sembleront originales si elles restent vagues et énigmatiques. Les personnages puissants impressionnent et intimident parce qu’ils sont peu loquaces. Plus vous en dites et plus vous risquez de dire des bêtises.
La mise en garde :
Il est des situations où il est peu avisé de garder le silence. Celui-ci peut susciter soupçons et même inquiétude, particulièrement chez des supérieurs. Un commentaire vague ou ambigu risque de conduire à des interprétations imprévisibles. Le silence et la réserve doivent être pratiqués avec précaution et seulement à bon escient. Il est parfois plus sage d’imiter le bouffon qui joue l’imbécile mais qui se sait plus intelligent que le roi. Il parle, parle et divertit, et personne ne voit en lui plus qu’un simple fou
LOI 5 : PROTÉGEZ VOTRE RÉPUTATION COMME LA PRUNELLE DE VOS YEUX
La réputation est la pierre angulaire du pouvoir. À elle seule, elle peut vous permettre d’impressionner et de gagner ; cependant, lorsqu’elle est compromise, vous êtes vulnérable et l’on vous attaquera de toutes parts. Faites en sorte que votre réputation soit toujours impeccable. Soyez vigilant et déjouez les attaques avant qu’elles ne se produisent. En même temps, apprenez à détruire vos ennemis par leur réputation : ouvrez-y des brèches, puis taisez-vous et laissez faire la meute.
La mise en garde :
Il n’y a pas de contre-exemple. La réputation est un élément crucial ; il n’y a pas d’exception à cette loi. Peut-être, si vous vous moquez de ce que les autres pensent, acquerrez-vous une réputation d’effronterie et d’arrogance, ce qui est en soi une image valable. Mais puisqu’on doit vivre en société et qu’on dépend de l’opinion des autres, il n’y a rien à gagner en négligeant sa réputation.
LOI 6 : ATTIREZ L’ATTENTION À TOUT PRIX
Les gens jugent tout à l’apparence ; ce qui n’est pas visible ne compte pour rien. Ne vous laissez jamais noyer dans la foule ni sombrer dans l’oubli. Soyez à tout prix le point de mire, celui que l’on remarque. Faites-vous plus grand, plus chatoyant, plus mystérieux que la masse terne et morne, soyez l’aimant qui attire tous les regards.
La mise en garde :
Au début de votre ascension vers les sommets, vous devez attirer l’attention à tout prix, mais au fur et à mesure que vous gravissez les échelons il vous faudra constamment vous adapter. Ne lassez pas le public en conservant la même tactique. Un air de mystère aidera considérablement ceux qui ont besoin de développer une aura de puissance car il les fera remarquer, mais leur attitude doit rester sobre et maîtrisée.
LOI 7 : LAISSEZ LE TRAVAIL AUX AUTRES, MAIS RECUEILLEZ-EN LES LAURIERS
Utilisez la sagesse, le savoir et le travail des autres pour faire avancer votre propre cause. Non seulement cette aide vous fera gagner une énergie et un temps précieux, mais elle vous conférera une aura quasi divine d’efficacité et de diligence. À la fin, vos collaborateurs seront oubliés et on ne se souviendra que de vous. Ne faites jamais ce que les autres peuvent faire à votre place.
La mise en garde :
Il y a des moments où il ne sera pas très avisé de tirer profit du travail des autres : si votre pouvoir n’est pas assez fermement établi, vous aurez l’air de repousser les gens hors des feux de la rampe. Pour être un brillant exploiteur de talents, votre position doit être inébranlable ou vous serez accusé d’escroquerie.
LOI 8 : OBLIGEZ L’ADVERSAIRE À SE BATTRE SUR VOTRE PROPRE TERRAIN
Quand on force une personne à agir, on est maître de la situation. Il vaut toujours mieux amener un adversaire à soi en le faisant abandonner ses propres plans. Appâtez-le avec des gains fabuleux, puis passez à l’attaque. Vous aurez ainsi les cartes en main.
La mise en garde :
Bien qu’il soit généralement avisé d’épuiser votre adversaire en l’obligeant à vous pourchasser, il existe des cas où une attaque violente et soudaine démoralise tellement votre ennemi qu’il en perd toute énergie. Au lieu de faire venir les autres à vous, c’est vous alors qui allez à eux, forcez la situation et prenez le contrôle. Une attaque éclair peut être une arme redoutable parce qu’elle oblige l’autre à réagir sans lui laisser le temps de réfléchir ni de planifier. Faute de ce temps de réflexion, on fait des erreurs de jugement et l’on est sur la défensive. Cette tactique est à l’opposé de celle de l’appât et de l’attente, mais elle assure la même fonction : vous obligez votre ennemi à répondre selon vos termes.
LOI 9 : REMPORTEZ LA VICTOIRE PAR VOS ACTES ET NON PAR VOS DISCOURS
Le triomphe momentané obtenu en haussant le ton n’est qu’une victoire à la Pyrrhus : le ressentiment, la rancœur que l’on suscite sont plus forts et plus durables que la docilité forcée de votre interlocuteur. Votre pouvoir sera bien plus grand si vous arrivez à obtenir son accord par vos seules actions, sans dire un mot. Ne prêchez pas, montrez l’exemple.
La mise en garde :
L’argumentation verbale n’a qu’un seul intérêt – vital – dans le domaine du pouvoir : elle distrait et couvre vos traces quand vous pratiquez la tromperie ou que vous êtes pris en flagrant délit de mensonge. Dans de tels cas, il est à votre avantage de parlementer avec toute la conviction dont vous êtes capable. Entraînez l’autre dans une discussion pour le distraire de votre supercherie. Quand vous êtes pris en flagrant délit de mensonge, plus vous semblerez indigné et sûr de vous, moins vous aurez l’air de mentir.
LOI 10 : FUYEZ LA CONTAGION DE LA MALCHANCE ET DU MALHEUR
On peut mourir du malheur d’autrui : les états d’âme sont contagieux. En voulant aider celui qui se noie, vous courez seulement à votre perte. Les malchanceux attirent l’adversité, sur eux-mêmes et aussi, peut-être, sur vous. Préférez la compagnie de ceux à qui tout réussit.
La mise en garde :
Cette loi n’admet pas d’exception. Son application est universelle. Il n’y a rien à gagner en s’associant à ceux qui vous contaminent avec leurs malheurs ; on ne peut obtenir pouvoir et bonne fortune qu’au contact de ceux qui réussissent.
LOI 11 : RENDEZ-VOUS INDISPENSABLE
Pour garder votre indépendance, vous devez faire en sorte que l’on ne puisse se passer de vous. Plus on compte sur vous, plus vous êtes libre. Tant que vous serez le garant du bonheur et de la prospérité des autres, vous n’aurez rien à craindre. Faites en sorte qu’ils n’en sachent jamais assez pour se débrouiller seuls.
La mise en garde :
Cette loi comporte une faiblesse : rendre les autres dépendants de vous vous rend dans une certaine mesure dépendant d’eux. Mais essayer de dépasser cela signifie se débarrasser de ceux qui sont au-dessus de vous – c’est-à-dire rester seul, ne dépendre de personne. Mais une telle indépendance a un prix : l’isolement. L’interdépendance reste la loi, l’indépendance est une exception rare, souvent fatale. Mieux vaut se placer dans une position de dépendance mutuelle et y rester plutôt que rechercher son contraire. Vous n’aurez pas la pression insoutenable d’être au sommet et le maître au-dessus de vous sera par définition votre esclave, parce que c’est lui qui dépendra de vous.
LOI 12 : SOYEZ D’UNE HONNÊTETÉ ET D’UNE GÉNÉROSITÉ DÉSARMANTES
Un acte sincère et honnête compense des dizaines de scélératesses. L’honnêteté et la générosité font baisser la garde des plus soupçonneux. Soyez honnête à bon escient, trouvez le défaut de la cuirasse, puis trompez et manipulez à loisir. Un cadeau offert à propos – un cheval de Troie – aura un effet similaire.
La mise en garde :
Quand on a derrière soi un passé de tromperie, on n’abusera personne, quelles que soient l’honnêteté, la générosité et la gentillesse dont on fasse preuve. Cela n’aura d’autre effet que de mettre la puce à l’oreille. Une fois la méfiance éveillée, une soudaine honnêteté n’éveillera que des soupçons. Dans ce cas, mieux vaut assumer. Rien dans le domaine du pouvoir n’est gravé dans la pierre. Le fait d’être ouvertement enclin à la duperie couvrira parfois vos traces et on vous admirera même pour ce que vous assumez d’être : une franche canaille.
LOI 13 : MISEZ SUR L’INTÉRÊT PERSONNEL, JAMAIS SUR LA PITIÉ NI LA RECONNAISSANCE
Si vous avez besoin d’un allié, ne lui rappelez pas l’aide que vous lui avez apportée ni les services que vous lui avez rendus, vous le feriez fuir. Mieux vaut faire valoir dans votre demande d’alliance un élément qui lui sera profitable ; insistez sur ce point. Plus il aura à y gagner, plus il fera preuve d’empressement.
La mise en garde :
Certains trouvent ignoble de donner la priorité à leur intérêt personnel. En fait, ceux-là convoitent les occasions d’exercer leur charité, leur compassion et leur justice, qui sont pour eux un moyen de se sentir supérieurs à vous. Ils se mettront en quatre pour financer votre projet, vous présenter à des gens influents… à condition, bien sûr, que tout cela soit fait le plus ostensiblement possible, et pour une louable cause : plus cela se saura, plus ils seront ravis. Certains font les dégoûtés parce qu’ils ne veulent pas avoir l’air vénaux ; ce sont les mêmes qui profitent de la moindre occasion pour jouer les grands seigneurs. Ne soyez pas timide : donnez-leur cette chance. Ce n’est pas comme si vous les dupiez en demandant de l’aide : c’est un réel bonheur pour eux que de vous faire du bien au vu et au su de tout le monde.
LOI 14 : SOYEZ UN FAUX AMI… ET UN VRAI ESPION
Tout savoir de son rival est indispensable. Vous prendrez un avantage inestimable en postant des espions qui vous communiqueront des informations précieuses. Mieux encore : espionnez vous-même. Dans les réunions mondaines, ouvrez l’œil, prêtez l’oreille. Par des questions indirectes, percez à jour les faiblesses et les intentions de vos interlocuteurs. Faites feu de tout bois pour exercer l’art de l’espionnage.
La mise en garde :
L’information est un élément essentiel du pouvoir mais, de même que vous espionnez les autres, vous devez vous attendre à être espionné. Une des armes les plus puissantes dans la bataille de l’information est justement la désinformation. Comme le disait Winston Churchill : « À la guerre, la vérité est une chose si précieuse qu’elle doit être entourée d’un rempart de mensonges. » En divulguant seulement les informations de votre choix, vous avez la maîtrise du jeu.
LOI 15 : ÉCRASEZ COMPLÈTEMENT L’ENNEMI
Tous les grands chefs depuis Moïse savent qu’un ennemi redoutable doit être exterminé jusqu’au dernier. Parfois ils l’ont appris à leurs dépens. S’il subsiste ne serait-ce qu’une faible braise, le feu reprendra. Vous avez beaucoup plus à perdre en faisant preuve de clémence qu’en éliminant complètement votre ennemi : ce dernier se remettra et cherchera à se venger.
La mise en garde :
Cette loi souffre peu d’exceptions ; mais parfois il vaut mieux laisser vos ennemis s’autodétruire, si cela est possible, plutôt que de les achever vous-même. En temps de guerre, un bon général sait que s’il attaque une armée acculée les soldats se battront avec l’énergie du désespoir. Mieux vaut leur laisser une chance de fuite. Leur retraite les épuisera et les démoralisera davantage que ne l’aurait fait une défaite sur le champ de bataille.
LOI 16 : FAITES-VOUS DÉSIRER
Tout ce qui est rare est cher : plus on se fait voir, plus on se fait entendre, et plus on semble ordinaire. Si vous faites partie d’un groupe, éloignez-vous-en un certain temps et l’on parlera de vous davantage, vous serez même plus admiré. Pratiquez l’absence : la rareté augmentera votre valeur.
La mise en garde :
Cette loi s’applique uniquement à un certain degré de pouvoir. Un minimum de notoriété est requis pour que votre absence soit remarquée ; si vous partez trop tôt, on vous oublie, tout bonnement. Il faut se forger en début de carrière une image reconnaissable, reproductible et visible partout. Faute de quoi l’absence, au lieu d’attiser les flammes, les éteint. Souvenez-vous : au début, ne vous faites pas rare mais omniprésent. Ce n’est que lorsque vous êtes vu, apprécié et aimé que l’on souffrira de votre absence.
LOI 17 : SOYEZ IMPRÉVISIBLE
L’homme est féru d’habitudes, surtout chez autrui. Quand vous ne surprenez plus personne, vous donnez aux autres l’impression qu’ils vous ont percé à jour. Renversez la situation : soyez délibérément imprévisible. Un comportement sans rime ni raison déstabilisera les gens, ils s’épuiseront à faire l’exégèse de vos actes. Cette stratégie peut intimider, voire même susciter la terreur.
La mise en garde :
Parfois, la prévisibilité peut jouer en votre faveur : en berçant votre entourage dans un cadre familier, vous endormez leur vigilance. Ils agencent tout en fonction de l’idée qu’ils se font de vous. Vous pouvez utiliser cela de plus d’une façon : en premier lieu, cela crée un écran de fumée, une façade confortable derrière laquelle vous multipliez à l’aise vos roueries. En second lieu, cela vous permettra à l’occasion de faire voler le cadre en éclats : votre adversaire sera si déséquilibré qu’il n’y aura pas même besoin de le pousser pour qu’il tombe.
LOI 18 : NE RESTEZ PAS DANS VOTRE TOUR D’IVOIRE
Le monde est une jungle et les ennemis sont partout : chacun doit se protéger. Une forteresse semble le lieu le plus sûr. Mais l’isolement a ses dangers : d’une part, il vous prive d’informations importantes ; d’autre part, en vous isolant, vous devenez une cible facile et l’objet de tous les soupçons. Mieux vaut circuler, trouver des alliés, se mêler aux autres. La foule est un bon bouclier humain.
La mise en garde :
Il est rarement judicieux de choisir l’isolement. La seule chose qu’un commerce incessant avec autrui ne facilite guère est la réflexion. Le conformisme ambiant et le manque de distance par rapport aux autres font souvent obstacle à l’analyse. L’isolement, s’il est provisoire, permet de prendre du recul. Beaucoup de penseurs le sont devenus en prison, où ils n’avaient rien d’autre à faire que penser. Machiavel a écrit Le Prince en exil, retiré dans une ferme loin du panier de crabes politique florentin.
LOI 19 : NE MARCHEZ PAS SUR LES PIEDS DE N’IMPORTE QUI
Il y a des gens bien différents de par le monde : tous ne réagissent pas de la même manière. Certains, lorsqu’ils sont trompés ou manipulés, passent le reste de leur vie à chercher une occasion de vengeance. Ce sont des loups déguisés en agneaux. Choisissez soigneusement vos victimes et vos adversaires, ne malmenez pas n’importe qui.
La mise en garde :
Que pourrait-on obtenir de l’autre si on ne le connaît pas ? Sachez reconnaître le loup déguisé en mouton, ou assumez-en les conséquences. Respectez cette loi à la lettre ; inutile d’y chercher des exceptions : elle n’en a pas.
LOI 20 : NE PRENEZ PAS PARTI
Stupide est celui qui aliène sa liberté à un parti. Soyez vous-même votre unique cause. En gardant votre indépendance, vous deviendrez le maître de tous : dressez-les les uns contre les autres et obligez-les à vous suivre.
La mise en garde :
Les deux aspects de cette loi peuvent vous mener à la catastrophe si vous allez trop loin. Le jeu proposé ici est délicat. Si vous faites s’affronter entre eux trop de partis, ils verront la manœuvre et se ligueront contre vous. Si vous faites attendre trop longtemps ceux qui recherchent votre alliance, vous allez inspirer non du désir mais de la méfiance et l’on se désintéressera de vous.
LOI 21 : À SOT, SOT ET DEMI
On n’aime pas avoir l’air plus bête que son voisin. Utilisez donc ce stratagème : faites en sorte que ceux que vous visez se croient intelligents, et surtout plus intelligents que vous. Une fois convaincus, ils ne chercheront pas plus loin et ne se méfieront pas de vos agissements. Révéler toute l’étendue de son intelligence ne rapporte pas grand-chose ; mieux vaut toujours la minimiser. Qui découvre par inadvertance la vérité – vous êtes plus intelligent que vous ne paraissez – vous admirera plus pour votre discrétion que si vous faites étalage de vos capacités intellectuelles.
La mise en garde :
Il y a cependant une situation où il est au contraire utile de faire étalage de votre intellect : quand cela vous permet de masquer une supercherie. En matière d’intelligence comme en beaucoup d’autres domaines, ce sont les apparences qui comptent. Si vous semblez avoir de l’autorité et du savoir, les gens croiront ce que vous dites. Cela peut vous sortir d’un mauvais pas.
LOI 22 : CAPITULEZ À TEMPS
Quand vous avez le dessous, ne continuez pas pour l’honneur : rendez-vous. La capitulation vous donne le temps de vous refaire une santé, le temps de tourmenter et d’irriter votre vainqueur, le temps d’attendre que son pouvoir périclite. Ne lui laissez pas la satisfaction de la victoire : hissez le drapeau blanc. En tendant l’autre joue, vous le rendrez furieux et le déstabiliserez. Faites de la capitulation un outil de pouvoir.
La mise en garde :
On capitule pour survivre jusqu’au moment où l’on a retrouvé sa force. C’est précisément pour éviter le martyre que l’on se rend, mais, parfois, l’ennemi ne se laisse pas adoucir et le martyre semble être la seule voie. Pourtant le martyre, qui est le contraire de la capitulation, est une tactique floue et complexe, et aussi violente que l’agression qu’elle combat. Pour chaque martyr célèbre, des milliers d’anonymes se sont sacrifiés sans que leur geste ait eu de résultat ; c’est pourquoi l’on peut dire que, si le martyre apporte parfois un certain pouvoir, il le fait de manière très imprévisible – et de toute façon on n’est plus là pour en jouir. Quand le pouvoir vous fait défaut, mieux vaut ainsi malgré tout ne pas opter pour le martyre : le retour de balancier est inéluctable et il faut rester vivant pour en bénéficier.
LOI 23 : CONCENTREZ VOS FORCES
Économisez vos forces et votre énergie en les gardant concentrées à leur niveau le plus élevé. On gagne plus en exploitant un filon riche et profond qu’en faisant de l’orpaillage : l’intensif l’emporte toujours sur l’extensif. Quand on recherche des sources de pouvoir pour s’élever, il faut se trouver un maître de poids, une laitière bien grasse qui donnera du lait longtemps.
La mise en garde :
La concentration comporte néanmoins des risques, et il arrive que la dispersion soit la tactique la plus appropriée. Chaque fois que l’on a besoin de protection, il est prudent de se lier à plusieurs sources de pouvoir, particulièrement en période de grands troubles et de bouleversements violents, ou lorsque les ennemis sont nombreux. Plus on sert de patrons et de maîtres, moins on court de risques si l’un d’eux perd son pouvoir, et cette dispersion permet même de les jouer les uns contre les autres. Mais si l’on se concentre sur une seule source de pouvoir, mieux vaut, par prudence, se préparer au jour où elle ne sera plus là.
LOI 24 : SOYEZ UN COURTISAN MODÈLE
Le courtisan évolue dans un monde où tout tourne autour du pouvoir et du jeu politique. Il doit maîtriser l’art du flou, flatter, s’abaisser devant les grands et exercer son pouvoir sur les autres de manière aussi courtoise que discrète. Apprenez et appliquez les lois de la cour, et votre ascension ne connaîtra pas de limites. Cette loi qui ne souffre pas d’exception conclut la première moitié de l’ouvrage avec 15 recommandations incontournables et intemporelles dans le jeu de l’ascension au pouvoir :
– Évitez l’ostentation. Il n’est jamais prudent de trop parler de soi et d’attirer l’attention sur ses actes. Plus l’on se vante de ses hauts faits, plus l’on éveille les soupçons.
– Pratiquez la nonchalance. N’ayez jamais l’air de faire d’effort. Le talent doit paraître naturel : mieux vaut passer pour un génie que pour un bourreau de travail. Même lorsqu’une tâche exige un dur labeur, il faut jouer la souplesse et la décontraction : l’exhibitionnisme de celui qui transpire sang et eau est une forme d’ostentation.
– Flattez avec parcimonie. Vos supérieurs ont beau sembler avides de flatterie, l’abus des bonnes choses leur fait perdre leur valeur. La flagornerie éveillera des soupçons même parmi vos pairs.
– Arrangez-vous pour être remarqué. C’est un paradoxe : il ne faut pas trop briller et pourtant on doit se faire remarquer. Souvent, au début, il suffit d’être vu, au sens littéral du terme. Soignez votre présentation, puis tâchez de vous créer un style, une image distinctifs.
– Modulez votre style et votre langage en fonction de votre interlocuteur. Il est fatal d’afficher un égalitarisme primaire. Le fait de parler et d’agir de la même façon avec chacun quel que soit son rang n’est pas une marque de raffinement mais une terrible erreur. Ceux qui sont en dessous de vous le prendront à juste titre comme une forme de condescendance, et ceux qui sont au-dessus en seront offensés, même s’ils ne l’admettent pas.
– Ne soyez jamais le messager des mauvaises nouvelles. Le roi tue le messager qui apporte de mauvaises nouvelles : faites des pieds et des mains pour être sûr que le fardeau des mauvaises nouvelles ne tombe jamais sur vous. Apportez uniquement de bonnes nouvelles et votre supérieur se réjouira à votre vue.
– Ne faites jamais preuve de familiarité déplacée avec votre supérieur. Il ne veut pas d’un ami comme subordonné, il veut un subordonné. S’il choisit de traiter avec vous à ce niveau, restez quand même vigilant.
– Ne critiquez jamais vos supérieurs directs. Cela peut paraître évident, mais il arrive qu’une certaine forme de critique soit nécessaire : ne rien dire, ne donner aucun conseil vous conduirait à des risques d’un autre genre. Apprenez toutefois à présenter votre conseil et vos critiques de manière aussi indirecte et polie que possible.
– Demandez rarement des faveurs à vos supérieurs. Rien n’irrite plus un maître que d’avoir à rejeter une requête. Il en éprouve des remords et du ressentiment. Plus important : ne demandez pas de faveurs pour quelqu’un d’autre, surtout pour un ami.
– Ne plaisantez jamais sur le physique ni sur le goût de quiconque. La vivacité d’esprit et le sens de l’humour sont des qualités essentielles pour un bon courtisan, mais évitez toute plaisanterie sur le physique et le goût, domaines extrêmement sensibles, en particulier pour vos supérieurs. Ne vous y aventurez pas, même en leur absence.
– Ne soyez pas systématiquement cynique. Exprimez votre admiration pour le bon travail des autres. Si vous raillez constamment vos égaux et vos subordonnés, certaines critiques rejailliront sur vous et vous suivront partout.
– Sachez vous juger. Le miroir est une invention miraculeuse ; sans lui, on multiplierait les impairs contre la beauté et le bon goût. On a aussi besoin d’un miroir moral. Observez-vous attentivement et vous éviterez mille gaffes.
– Gardez votre sang-froid. Comme un acteur sur scène, apprenez à pleurer et rire sur commande, au moment juste. Cachez colère et ressentiment, feignez la joie et la jubilation. Soyez maître de vos expressions.
– Soyez dans l’air du temps. Un petit air désuet a du charme, mais votre esprit et votre façon de penser doivent correspondre à votre époque, même si celle-ci vous défrise. Inversement, personne ne vous comprendra si vous vous positionnez trop à l’avant-garde. Il n’est jamais bon d’être un anachronisme ambulant ; il vaut mieux se fondre dans le style en vogue.
– Soyez source de plaisir. C’est une règle de base. L’homme fuit ce qui est désagréable alors que la promesse de délices l’attire comme la flamme le papillon. Soyez la flamme et vous atteindrez les sommets. La vie est pleine de désagréments et le plaisir est rare : vous deviendrez aussi indispensable que l’eau et la nourriture.
Partager :
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Plus
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Pinterest(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Skype(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour envoyer par e-mail à un ami(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Publié dans :
- État d'esprit
Laisser une réponse